12/09/2006

Les argonautes






















A mâchoire d’âne Sanson vainquit les philistins en ces temps reculés d’une mémoire habillée de légende. Le temps, si sage pourtant, n’érode de l’homme que l’expression…fusse-t-elle pyramide ou colosse de Rhodes. La volonté au demeurant intact parcourait tranquillement les millénaires sur son radeau de fortune mue par les vents de l’esprit humain, tel Jason menant les argonautes à la reconquête de son trône.
Des vents soufflant doucement sur les voiles de la perpétuation de l’espèce comme elles soufflèrent sur les voiles de l’Argos…jusqu’à ces dignes représentants d’une race certainement pas prête à l’extinction qui sur un mur ressassait la chanson…

Non, ce n'était pas le radeau

De la Méduse, ce bateau
Qu'on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports…

Momo me regardait d’un air interrogateur, attendant ma décision…

- « Quanun edderb ! » Relança Bunny qui parlait au nom de la rue des pyramides. Les gars de sa bande – huit en tout – attendaient, l’air menaçant, sur l’autre trottoir.

- « On leur fonce dans l’lard, on leur fout une bonne raclée et on clos l’dossier » me souffla Abdel qui se tenait juste derrière moi


Je tergiversais…

Un coup sec sur ma manche droite…

- « on leur fonce dans l’lard, on leur… »

- « si c’est avec le c.. que tu penses, tu en arraches le c, tu le copies en trois exemplaires et tu le colles à tes on et tu trouveras ton idée trois fois con…»

Bunny ricanait l’air satisfait…le macaque…

Je n’aimais pas trop Bunny…

En fait je n’aimais pas du tout Bunny…

Sale gueule avec un je ne sais quoi de vicelard dans le regard. Une furieuse envie de lui foutre mon poing sur son gros nez me démangeait…

- « Je sais que t’en meures d’envie Lambdaoui » grinça des dents Abdel, « bordel !!!...vas-y !...te prives pas….aïeuuuuu !! »

Coup de coude dans le ventre d’Abdel

Je jaugeai rapidement la situation…

Il naviguait en pèr' peinard

Sur la grand-mare des canards

Et s'app'lait les Copains d'abord

Les Copains d'abord

Nous étions quatre…ils étaient huit…mais c’était vrai que le gros Saïd valait trois gars quand il s’agissait de castagne, ce qui ramenait notre handicap à un…

Le hic

Bunny avait réussi à enrôler ‘Touil de la rue de Dinan dans sa bande, et rien qu’à lui seul le gars valait les deux bandes réunies d’autant plus que toute tentative de repli par sa rue ne semblait pas envisageable…les autres nous y attendaient sûrement.

Bunny semblait avoir pensé à tout…

Je jouai la montre…

Le temps, vicelard, se jouait de nous…il s’accéléra soudainement

alors ? » nasilla bunny

Le temps s’emballe…

Ses fluctuat nec mergiturC'était pas d'la litteratureN'en déplaise aux jeteurs de sortAux jeteurs de sort…

- « combien doit-on allonger en tout ? » demandais-je au lapin

- « deux paquets pour l’outrage à ma frangine, plus deux paquets pour apaiser ma colère, plus deux paquets pour ceux de la rue de Dinan… »

Ça !...je l’avais deviné…

- « …plus deux paquets pour la colère des dieux…et des marquises…on aime pas les favorites »

- « espèce d’enculé de ta race !! Tu trouves pas que t’exagères !!» ragea Abdel…

- « plus deux paquets pour les mots méchants du connard derrière toi ! »

- « espèce d’enfoiré !... » Abdel avançait menaçant

Je le saisi par le bras

Momo me fis un clin d’œil en tapotant sa poche…

Son capitaine et ses mat'lots

N'étaient pas des enfants d'salauds

Mais des amis franco de port

Des copains d'abord


A suivre…

© Lambdaoui

06/04/2006

Néons









Une lumière blafarde se déversait en flaques crasseuses sur le comptoir, traquant, vicelarde comme mes sens, l'ombre qui se terrait sous les seins majestueux de la barmaid.
Pensant que je matais ses attributs mammaires, oh ma mère, la truie avinée y alla de son plus beau sourire dans lequel les quatre dents de la calandre supérieure, manquantes à l'appel (sûrement un coup de pelle), laissaient apparaître la noirceur de ses angoisses profondes.

Pauvre bête qui essayait par des artifices primaires même au plus arriéré des primates de réveiller la libido bestiale supposée dormir au fond de mes entrailles.
Seul un rot énorme trouva le tortueux chemin vers l'air libre où il explosa de toute la puissance du relent de fève qui y fermentait depuis la veille, obligeant l'ogresse à baisser le rideau sur le spectacle de sa luette danseuse et à locomotiver son quintal de chair vers la gauche...les seins mirent un certain temps à suivre leur patronne…horrible spectacle.

Sur la scène rutilante du comptoir, je fis glisser l'ombre de ma main jusqu'à l'ombre de ses seins et d'un mouvement rapide, me mis à la tambouriner du bout des doigt dans un jeu d'ombre chinoises. Une malsaine activité dont moi même je ne comprenais pas le dessein.
Le cachalot aux fanions manquants interpréta mon geste comme une commande. De ses dents restantes elle me décapsula une stork et me la fit glisser sur le zinc.

Enlaçant le juke-box- c’était un des rares troquets où il y avait encore un juke-box- un digne représentant de la déchéance humaine nous ressassait, à coups de jetons, le questionnement existentiel de la déesse aux pieds d’argiles

- « Arouh li min…. » tergiversait la diva

- « Wa sir tkawed n’ta ou hia » lui rétorqua un autre dignitaire, plus haut placé dans les strates de la déchéance

Bordel !! qu’est-ce que je foutais dans cet endroit ??

Une autre stork

Et encore une…

Puis une autre

« arouh li min » braillait le juke-box

De pinte en pinte je prenais du galon chez les déchus…cette phrase aurait certainement fait marrer Momo….Momo et Abdel !! où étaient –ils ??

Ou plutôt non, moi ! où étais-je ?

- « arouh li min » exsudait le juke-box

Le maître chanteur qui faisait brailler le juke-box à coups de jetons enlaçait maintenant la machine enchantée qui faisait revivre l’instant d’une chanson, en même temps que ses rêves morts, une époque certainement révolue pour lui-même, la chanteuse et le juke-box.
Sous les halos bleutés et rubescents des néons nous avions tous l’air de fantômes…

« Tu n’aurais pas du quitter le mur » me dit une petite voix, à peine audible, dans ma tête…

Je regardai les deux hères assis à côté de moi. En pleine discussion, celui qui me faisait face s’arrêta sans préavis de parler, baissa la tête, dégueula ses tripes sur ses chaussures, s’essuya la bouche sur le revers de sa manche et reprit la discussion comme si de rien n’était

« arouh li min » chantaient maintenant en chœur les fantômes du néon

C’était l’heure où tout le monde commençait à parler chinois et où la communication n’allait plus qu’à sens unique

On parlait…on s’arrêtait…l’autre parlait…on branlait de la tête sans comprendre un mot de ce qu’il disait en pensant à formuler la phrase suivante qu’on allait dire. La langue devenait rebelle, le palais une dune mouvante, l’œil kaléidoscopique. Le seul message qui fonctionnait encore à double sens était la demande du feu pour allumer la clope… un instinct primaire sans doute..

L’hydre à air bag sentant ma résistance libidineuse flancher sous l’action éthylique du breuvage qu’elle me servait depuis le début de l’après midi, tentait un rapprochement du troisième type. Sa paluche, énorme, s’aventura à me caresser le dos da la main

« arouh li min » me mis-je à chanter pour faire fuir ma peur, l’estomac gravement barbouillé…

L’ogresse tendait ses énormes lèvres …elle allait sûrement me manger

« arouh li min » pissai-je dans mon froc

le voila »… une voix derrière moi que je reconnaissais vaguement

Je sentais maintenant l’haleine du monstre sur mon visage…elle bavait de désir

« arouh li min » me mis-je à crier

« Bon ! je le chope par les épaules et toi Momo par les pieds »

Momo !! abdel ?? c’est vous ?? c’est bien vous ?

Le pachyderme battit en retraite…je me laissais faire, comateux et heureux de cette délivrance

bordel !! il est pas léger l’enfoiré…. » momo …doux momo

Je volais…sur le dos, les néons caressant mon visage de leur doigt diffus…

Ombre noire du portier au parapluie noir
tournesols des néons sur l’asphalte mouillé par la pluie
intérieur inversé d’une porte tournante qui bâille sur la nuit
les pas dans le couloir résonnent avec un bruit mat

Les rivages se lèvent fièrement aux néons.

Les vagues mortes ne battent plus.
Et la nuit bientôt fermera
le couvercle du cercueil blanc.

Nous allons, fantômes dans la nuit…


© lambdaoui

10/02/2006

Jour de pluie

La pluie, du bout de ses gouttes, tambourinait sa chanson mélancolique sur le toit des voitures qui prenaient un malin plaisir à résonner en chœur le vide de nos dérisoires destinées. Enfants du béton, nous ne connaissions de la rose des vents que le nom, du désert que le vent qui hurle dans nos cœurs, de l'amour que les fantasmes vomis par nos frustrations.
La ville, après nous avoir ruminé toute la nuit, nous recrachait en toussotant à l'aube sale du matin grisâtre, se raclait la gorge au son d'un moteur qui tarde à démarrer et étirait enfin ses bras de pierres où des excroissances en maisons s'agglutinaient le long des veines saillantes qui drainent sa vie...notre vie.

L'eau coulait abondamment dans le caniveau.

Un froufrou d'aile affranchit l'aube qui détale sous l'œil morne d'un soleil paresseux. Il regarde un court instant le mur, puis tire sur lui un nuage pour dormir encore un peu.

Le pigeon, qui vient doucement se poser sur la corniche à l'aplomb du mur roucoule d'une voix atrocement laide, se retourne en dandinant et vient placer son postérieur à la verticale de notre temple.

-"Ne tire pas tout de suite" soufflais-je doucement à Momo...

-"saleté de bestiole!!! Le nombre de fois qu'il m'a chié dessus çui là..."

Momo jubilait, le lance pierre tendu à péter...

-"je vais m'le faire!!...je vais m'le faire"


dzoïnnng!


Crashhhh!

Les carreaux de la fenêtre de moui aïcha qui se mêlent en bris aux gouttes de pluies faisant reluire l'air d'un arc en ciel fugace

Une voix criarde dévale dans la rue en avant garde, talonnée de près par un pas lourd dans l'escalier, le monument moui Aicha constituant l'arrière garde d'une unité très âpre au combat.

De la poudre d'escampette suit les bris de verre

Nous la saisissons au vol

Staccatos de nos pas de fuite


Havre de paix...quelques heures plus tard


Sur la terrasse d'abdel, notre désert, le tagine de pigeons mijote sur les braises d'un mejmar qui connaissait toutes les incantations des femmes blessées.

-"on en a eu combien en tout?" demandais-je à Momo

-"onze ...et j'ai encore loupé le gros chieur"


le moghrabi était au frais


karima en chaleur avait semé la garde rapproché de son teigneux p'tit frère

la belle vie quoi ...

-"c'est là que je fais mes courses"

c'est rien...juste momo...mon momo

la voix d'abdel qui gratte sa liberté vient suavement nous caresser l'oreille


"...pour cueillir en rêvant
une rose des vents
sous un rayon de lune
..."


le pluie était belle ce jour là ...



© lambdaoui

04/01/2006

Sale temps pour un flic

Non ce n'est pas un roman de James Hadley Chase....

Quoi??

- ....

Non plus....vous avez tout faux ; ce n'est pas un polar de Simenon

-....

meuuuu non!!!...ce n'est pas non plus l'inspecteur Tahar

Ouais bon! Je sais qu'on est lundi, le premier lundi de la nouvelle année, que vous êtes fatigués, que vous avez douze mois de dur labeur dans les pattes même si vous ne bossez pas chez macaroni, que votre tante des Carpates...

-" c'est qui cette tante d'écart pattes??...tu parles de lhoussine...nan???...et puis on dit du beurre dans les pâtes et non la beurre dans les pâtes!"

excusez moi un p'tit moment...

je contemple le tas d'os parlant, empaqueté dans un ensemble de jeans qui n'avait plus de la couleur bleue qu'un vague souvenir d'océan, éternisé sur une photo noir et blanc...jaunie bien entendu...

go back in the time...

les dernières vacances de jeune fille de ma grand mère sur la plage de sidi moussa...à côté, le cachalot échoué sur la plage de bouznika c'était un morpion sur la couenne d'un éléphant.

Une vague jaunâtre efface l'image

Retour vers le futur

Je cherchai un rebond de chair ou foutre mon pied...mais rien que des angles

Je calmai d'un grattage furibond l'élan intempestif de mon botteur droit


l'osso, qui n'avait plus de bucco qu'une bouche à la langue bien pendue, assis sur le bord du trottoir, a une tête tout de même, qu'il daigne tourner vers moi le regard faussement inquiet, vu mon silence impromptu ( j'aime bien ce terme...classe non??)

- "j'ai dis quelque chose qu'y fallait pas??" me Taxiphone le faux jeton en haussant les sourcils

je fustige du regard

le tas d'os qui portait fièrement le sobriquet de Momo, sans peur et sans reproche, soutenait en souriant mon regard ridicule qui se voulait féroce.

- "tu sais de quoi t'as l'air quand tu veux jouer au méchant?...un épagneul qu'a la chiasse!!!"

et vas y que je te rigoles à tout va

Abdel, qui philosophait du bout de son clou sur le mur, riait la hyène

Momo, riait la mouette

Je riait Lao Tseu...jaune et sagement

Et lhoussine, qui ne trouva rien de mieux que de se pointer à ce moment là en tortillant du croupion, souriait la vamp

Yeux doux, battements de cils et clin d'œil...un pack tout en un, promotion rien que pour moi

Délire dans la ménagerie

La hyène joue la tyrolienne

La mouette joue la sirène au pignon cassé de la caserne des pompiers

Finalement mon pied trouve réceptacle dans le rembourrage bas d'abdel qui me tourne le dos à moins d'une toise

Aïe! dièse

Fin de la symphonie pastorale...silence dans les gradins

Je disais donc que votre tante des Carpates ne vous ayant pas fait cadeau d'une boule de cristal, vous ne pouviez, en l'occurrence, deviner de qui il pouvait bien s'agir.

J'envoies donc le générique

Tan tan tan... ta ta tan......(like mission impossible)

La musique s'en va doucement mourir dans le fond de l'oreille d'un cul de jatte qui se traîne par terre en demandant l'aumône

Je lui balance une pièce

L'animal saute...double saut périlleux et t'attrapes la pièce avec les dents....

...

Si vous avez cru au précédent tableau c'est que vous êtes vraiment nunuche...non mais vraiment!!...double saut périlleux....n'importe quoi!!!

Allez on reprend !

je renvoie le générique

Tan tan tan... ta ta tan......(like mission impossible 2 )

La musique s'en va doucement mourir dans le fond de l'oreille d'un cul de jatte qui se traîne par terre en demandant l'aumône

Je lui balance une pièce

La pièce tournoie en l'air

L'estropié tend des mains noueuses pour la cueillette

-"Coupez!!! Coupez!!!"

- quoi Momo?? Qu'est-ce qu'il y a encore??

-"j'aime pas la musique...ça cadre pas avec l'histoire"

-" et ma pièce à moi??"

l'estropié bras toujours tendus...

ouais bon! ...Action!!!

la pièce reprend son vol

l'estropié n'as pas de bol. Au dernier moment j'ai décidé qu'il était aveugle

c'est dans l'égout que la pièce s'engage

le rampant dégage!

- " t'es vraiment vache" me fait Abdel


pas plus que cette chienne de vie qui nous enfermait dans ce bout de rue avec un bout de mur pour tout décor...

c'est reparti pour une longue discussion

travelling arrière...

nos voix s'éloignent

un vent glacial se lève, se drape de feuilles et de sacs en plastique noir.

Il entame sa danse lugubre et de temps à autre, d'une caresse charriant toute la saleté de la rue, s'amuse à venir nous lécher, narquois, le visage d'une feuille de papier jaune.

Nos voix se perdent aux couleurs chatoyantes de l'automne qui se meurt aux braises d'un soleil rubescent ...

Le rouge est une maison où l'automne se plaît à venir repeindre les saisons jaunies de nos souvenirs. Sur le mur, silencieux, se racontaient pourtant nos vertes années passées à rien faire.
Au bout de la rue une forme s'avance, la tête enfoncée dans le col relevé de son long manteau... gris, comme notre amertume qui trouvait son exutoire dans le regard des passants.

Ahmed, policier de sa profession...

Non! Pas celui de l'histoire ...un autre

.

.

.

.

z'êtes encore là vous?? Eh ho c'est fini. Repassez une autre fois. Le scénario n'est pas encore au point....la faute à Momo, mais je vous promets un "sale temps pour un flic 2"

allez bonne année


The End



générique désuet... sur la plage de Sidi Moussa


oh vive le vent, vive le vent
vive le vent d'hiver
qui s'en va sifflant, soufflant
dans les grands sapins verts...

oh vive le vent, vive le vent
vive le vent d'hiver
boules de neige et jour de l'an
et bonne année grand-mère...



© Lambdaoui

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