26/08/2007

Le magicien blanc

Le mur me racontait sa raison lointaine de tenir encore sur ses pieds couleur terre, lézardant ses souvenirs jusque sur ma peau rêche qui rêvait de fraîcheur. Les mois d’août n’étaient pas mon fort et du haut de son rempart d’amertume, la vie, de ses klaxons insultants et de ses moteurs pétaradants, se moquait de mes peurs…de mon appréhension à la mordre à pleines dents

J’étais un lézard me dis-je (ça en jette les je après le verbe)

- t’es surtout un gros con
me balance l’autre lézard de momo, empêchant mes pensées de tourner en rond

La vie c’est comme une dent….
D’abord on y a pas pensé…


- ho ! tu vas pas nous la jouer reggiani encore
se contenta-t-il de macher…

c’est vrai que j’avais pensé à cette chanson me dis-je pour en jeter encore une fois…

- complètement jeté le gars
persifla mon lézard de copain

- alors ? Roule-je ou ne roule-je pas ?
Balança Abdel histoire de se joindre à la conversation…et question joint il s’y connaissait vachement le bougre…

Mes pensées s’enroulent en même temps que ses mots présageant une douce retraite euphorique derrière nos puérils remparts de fumée en volutes s’élevant en prière vers le ciel.
La vie c’est comme une dent…


Javiiiiil….javiiiiiil…

Ba aaroub trainait ses pas charriant un autre temps par le seul timbre de sa voix dont le mur se gargarisait dans un futile espoir de retrouver sa blancheur d’antan.

Ossuaire en mouvement…

J’aimais regarder sa dextre façon de préparer son mélange en échangeant ses blagues avec les ménagères sur le seuil de leur porte…

Javiiil…javiiiil…

Mot magique qui les arrachait un bref instant à l’ombre pesante de leur demeure, les pans de leur chamir repliés vers une ceinture de fortune dévoilant un seroual aux couleurs chatoyantes et une paire de mules aux brodures dorées qui avaient fait leur temps…qui avaient fait mon temps…

Le bidon en plastique virevoltait autour de son bras telle une blanche colombe et venait se caler sur son avant bras qu’il levait très haut déversant son mélange magique à travers un entonnoir. Pas une goutte ne tombait à côté et pendant toute cette brève opération il ne cessait de sourire en racontant quelque anecdote glanée au cours de ses pérégrinations citadines
La vie c’est comme une dent…

La rue s’agitait d’une ambiance spéciale. Les porches s’ouvraient au cri blanc du dinosaure étalant un bref instant leurs secrets sous les feux du soleil…
- Putaiiin…léazrda momo,chavais pas que les dinosaures criaient javiiiil..tu m’en apprends des choses dis donc !!

Et la lumière recommence,
comme une plénitude bleue qui n’en finit plus de déformer les courbes du ciel,
La vie est comme une dent
Où se reflète le rire magique
D’un magicien blanc


© lambdaoui

10/05/2007

Qu'importe l'âge, pourvu qu'on reste petits...

Le mois de mai venait déteindre le mur d’une suave lumière. Balzane doucereuse qui se laissait boire par les multiples fissures, bouches avides suceuses de souvenirs, jusqu'au débordement de nos rêves qui s’écoulaient en même temps que nos heures vers le néant de nos destinées à refaire…

Et puis...
Et j'allais dire déjà
L'enfance se fait lointaine
Comme un pays d'où l'on s'en va
Je ne vois plus qu'à peine
Le rivage…


Et l’on continuait à mâcher et remâcher notre dérisoire, à bâcher et rabâcher nos peurs…

- Tu voulais devenir quoi quand t’étais petit ?

Momo me regarde éberlué puis me souffle la fumée de sa cigarette dans la gueule…

- dis…tu vas pas te mettre à philosopher comme abdel non ??

Je hausse les épaules pour exprimer le n’importequoitisme de sa réponse

Un moment de silence…

- et toi ? me réponds l’encore gnard encore niaud

- ya pas de lézard ! balance-je devant son air inquiet….c’est juste une question comme ça


L’enfoiré sourit…le mois de mai s’éclaire de dix lux

- le gars d’la télé ?

- mais noonnnn….j’ai dis dix pas guy

- aaah…(onomatopée fréquente dans la bouche d’un branleur)

- t’as dit quoi là ??

- ben j’ai rien dit !

- si t’as dis kek chose…je t’ai entendu ruminer…

Avec toi j'appareille alors
Pour autre part, pour autre chose, à bord
De ma quarantaine
Et je t'emmène
Là-bas dans une image

Je me souviens encore….

- j’ai pas ruminé...chui pas vache à ce point….

- t’es p’tet pas vache mais t’es……

- ho ho hooo ! c’est bon t’arrêtes….tu veux pas répondre tu réponds pas !!…

Le passage de moui aïcha avec son panier sur la tête fait office de gong sur un ring…elle nous jette son plus mauvais regard

- t’es p’tet pas vache à ce point mais elle….putain ! Ça doit être la reine mère du troupeau….


Sacré momo….il avait un sens aigu du qualificatif
.
.
.
On se marre un bon coup…

Silence...


Le mur s’étire de toute sa blancheur dégageant un je ne sais quoi d’onction protectrice nous insufflant une profonde sérénité…une douceur de vivre où même moui aïcha devenait humaine

Momo fait des ronds de fumée…

- je voulais devenir grand…

- quoi ? Revins-je à la réalité

- quand j’étais petit…je voulais devenir grand !…répéta-t-il le regard perdu dans je ne sais quel lointain souvenir

Un sourire illuminait son visage angélique…

Je le regardai longuement, un nœud grossissant dans la gorge, me disant que la vie s’en viendrait immanquablement à nous séparer….

Je t'aime
Toi qui ne seras jamais
Une grande personne
Ne me quitte jamais
Je t'aime

Momo me regarde du coin de l’œil…arquant le sourcil


- tu sais Lambadaoui…des fois je m’demande si t’es pas pédé


Je lui balance mon mégot dans la tronche


Rires…

- non mais c’est vrai ! reprit-il sérieux…c’était un idéal pour moi, devenir grand…et là je me rend compte que je n’y arriverai sans doute jamais totalement…c’est tellement con les grands…

- et toi Lambdaoui?

- Bof…moi je ne me suis pas rendu compte quand cela m’est arrivé…disons que j’ai grandi par mégarde

- Oui mais c’est quoi ton idéal ?

- Mon idéal ?? c’est une utopie…devenir petit


L’ombre du jour fuyait le zénith qui dardait ses rayons à l’aplomb de nos soubresauts péremptoires sous le regard indolent du mur …majestueux par notre insignifiance mais si bon…si généreux…si idéal dans notre utopie…

Et puis...
Mais ce n'est pas demain
Il faudra que le soir vienne
On s’en irai sur le chemin
Où nous attend la chienne
Un par un…

Je t'aime
Moi qui ne serai jamais
Une grande personne
Ne me quitte jamais
Je t'aime...


© Lambdaoui

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