17/11/2005

Clair de mur

La nuit est sereine au désert de la rue, lorsque le reflet des étoiles allonge son regard jusqu'à l'eau stagnante au fond de l'égout d'un demi couvercle brisé. Les cancrelats font la fête, danse moribonde sur le trottoir où nos pas résonnent encore de nos faibles espoirs.

Seul le mur, majestueux, où en graffitis se racontent nos histoires, vient briser la pénombre de son carré de pierre délavée...comme nos vies éculées à rien faire.

Sans les voir, je devine les petits hiéroglyphes gravés par Abdel aux paroles d'agounchich...

Ville sale,
Un cancrelat te vide ....


Un cancrelat me vide du pli noir des étoiles...

Et le pleur qui me monte au fond de la gorge, comme un ballon rouge échappé des mains d'un enfant...

Je vous aime mes frères...Momo...Abdel....compagnons d'infortune de Caïn fuyant devant Jéhovah. Je ne vous l'ai jamais dis... je vous aime comme l'été aime la pluie qui le ramène à la vie...

Et le pleur qui déferle dans ma gorge, comme la lune plaintive dans les yeux d'un loup. Je vous aime mes frères, mes ombres sur le mur ...mes prières...

Et le pleur qui s'échappe dans la nuit au feulement d'un chat de gouttière...

Une claque..

Puis une autre...

J'ouvre les yeux...embués


La tête de Momo qui me scrute de son regard merveilleux...deux étoiles du berger dans un même ciel...


Il lève la main pour une troisième claque...je l'attrape au vol, la ramène vers mon visage et l'embrasse

- « Abdel !! Abdeeel !!Je crois qu’il a pété les plombs » s’effare le Momo

- fais pas chier Momo...tu vois pas qu'il rêve!!!


C'est vrai qu'ils passaient la nuit chez moi Momo et Abdel...

Abdel lâche une caisse puante et se retourne en marmonnant je n'sais plus quoi sur sa banquette

Le ressac de la vague de tendresse me ramène doucement dans les limbes du sommeil


Ville sale
Un cancrelat te vide...


Je sens un moment la présence de Momo à mon chevet...il approche son oreille de ma bouche pour s'assurer que je respire...le con...j'ai envie de lui faire "bouh" mais le sommeil m'emporte...

Momo se glisse dans sa banquette en me traitant de connard

De vrais poètes mes potes...de vrais poètes...

Sur le mur, dans le noir au bout de la rue, chantait agounchich...

Ville ordinaire, un cancrelat te vide,
grand chien sans tique !
automnal et malsain !
il te vide du songe des morts
quand la Lune virevolte, quand la semelle alarme
le pli noir des étoiles.



©Lambdaoui

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